Apprenant

Ce mot, traduit de l’anglais “learner”, est tout droit sorti d’un livre blanc de l’European Round Table (ERT), un puissant lobby industriel siégeant au sein de la Commission européenne et essentiellement axé autour des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). L’évolution que ce lobby voulait voir être opéré sur les systèmes éducatifs européens était bien évidement mercantile mais aussi idéologique. En parlant de la France plus spécifiquement même si cela visait toute l’Union européenne, Il était essentiel pour ce lobby très influent de changer radicalement le rapport entre l’élève et son instituteur (aujourd’hui devenu professeur des écoles) à l’école primaire, mais aussi bien sûr entre l’élève et le professeur au collège ou au lycée. Il était clairement dit dans ce livre blanc que l’enfant à l’école ne devait plus acquérir des savoirs de la part de celui qui enseigne mais une méthode pour apprendre et découvrir les savoirs par lui-même grâce à cette méthode. Il devait désormais apprendre à apprendre. Et comment ? grâce aux NTIC bien évidement, l’idée étant que les contenus à découvrir devaient à terme générer un marché très lucratif du savoir prédigéré et mis à disposition sous diverses formes de communication par les grosses entreprises privées moyennant finance ou moyennant l’acceptation de la distillation de l’idéologie dominante. Vivendi, Micosoft, et tous les ténors du secteur possédant soit la technologie matérielle et logicielle, soit des bases de données en constante progression, voir les deux à la faveur de fusions acquisitions ont travaillé d’arrache-pied pour convaincre Edith Cresson en 1997, alors commissaire européen à l’Education, avant la publication de ce livre blanc. Idéologiquement Edith Cresson était d’accord : le secteur privé avait tout à apporter à l’enseignement public et appelait de ses voeux les Etats et les collectivités territoriales dans cette voie dite du “partenariat” (voir ce mot) privé/public, acceptant de facto l’idée que le secteur privé vient au secours du secteur public en la matière. D’ailleurs pour signifier une position d’égal à égal entre privé et public elle employait le mot “partenariat” dans le titre de son intervention au Mip-Com de cette année 1997 pour ravir son auditoire lobbyiste. Nul complot puisque tout cela était accessible au public à condition de savoir chercher (tiens, tiens…) C’est au début des années 2000 (2000 ou 2001) que ce mot “apprenant” est passé des recommandations de la Commission européenne dans le langage de l’Education nationale en France pour désigner l’élève. Désormais, un enfant ne s’élève plus en allant à l’école il doit y apprendre à apprendre. Il y a là une forte similitude entre apprenant et apprentis, là aussi c’est une question idéologique.